Vendredi 26 et samedi 27 juin, la Région Guyane organisait un séminaire et une conférence grand public sur le thème de l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages (APA). L’occasion de faire un état des lieux sur l’exploitation des ressources biologiques depuis la convention de Rio en 1992, au protocole de Nagoya en 2010. Une thématique qui a surtout mobilisé les spécialistes, y compris le deuxième jour pourtant consacré au grand public.
Biodiversité, brevets, pharmacopée, biopiraterie, savoirs traditionnels, agrobiodiversité…Autant de notions qui ont pu être abordées lors de ces deux jours. Vendredi, l’heure étaient aux spécialistes qui ont abordé les aspects réglementaires et légisatifs de l’utilisation des ressources génétiques, mais aussi de faire un focus sur la Guyane qui verra très prochainement l’ouverture d’un office de la biodiversité amazonienne de Guyane. Samedi, des notions plus générales sont revenues sur le devant de la table, et notamment de redéfinir la notion d’APA et de présenter entre autre le Ficus Trésor, une plante ornementale locale qui se veut être un exemple de valorisation.
Se poser les bonnes questions
Entre un petit tour dans le hall dans la cité administrative régionale où siégeait une exposition sur les thèmes de la valorisation du bois de rose, les bio-insecticides, l’écologie tropicale ou encore la biodiversité – sans oublier la présentation d’une quinzaine de plantes médicinales locales par l’association Gadepam – et une dégustation de café arabusta ou encore de chocolat péyi 100% Guyane, il était de bon ton de se questionner. Si la Guyane est – comme il est si commun de l’entendre dire – un laboratoire à ciel ouvert, peut-on breveter le vivant ? Peut-t’on sortir du territoire une ressource quelle que soit sa nature sans avoir à rendre de compte ni se soucier d’une éventuelle restitution ? Autant de questions auxquelles la Région avec le concours de ses invités, a essayé d’apporter des réponses, tout en sachant que « l’APA ne protègera pas de tout » avertit sans langue de bois Frédéric Blanchard qui travaille à la Région.
Le problème ne date pas d’hier…
L’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages – ou APA – pose les aspects juridiques et de la réglementation de l’exploitation des ressources génétiques. Les questionnements commencent en fait dans les années 70-80, alors que les Etats-Unis émettent un brevet d’une sous-espèce d’une plante chinoise, plante qui faisait l’objet de publications depuis 300 ans… Se pose alors la question fondamentale : peut-on breveter le vivant ? Puis est venu le temps où le monde industriel s’est mis à utiliser aussi les savoirs ancestraux. De grandes discussions s’engagent au niveau mondial, les notions de business et de piratage font leur apparition dans ce domaine. La convention de Rio en 1992 apportera les premières bases pour l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages. Le protocole de Nagoya né en 2010 en sera l’évolution.
Entre Nord et Sud
La convention de Rio est né du constat d’inégalité entre Nord et Sud. Le Sud en voie de développement possède une biodiversité foisonnante et le Nord profite de cette manne, détenteur des technologies nécessaires. Pour la France, cette convention de Rio doit être traduite en terme de droit français. Le protocole de Nagoya né en 2010 est entré en vigueur en Europe en 2014…Alors pour qu’il puisse s’appliquer en France et à fortiori en Guyane, le chemin est long. Pour notre Guyane, l’APA apparaît comme un des outils de développement pour le territoire, mais qui a ses limites. Autres outils présentés lors de la manifestation, des exemples concrets de valorisation des ressources naturelles présentés par la Région mais aussi l’ARDI-GDI qui a présenté l’exemple des PAM – plantes aromatiques médicinales – qui rentrent dans le cadre de l’APA.
Le Ficus Trésor en question
Durant les deux jours, la fondation hollandaise Trésor a pu présenter un exemple concret : le Ficus Trésor, exploité avec les horticulteurs du Forever Plants Group. Un exemple affiché comme étant un exemple de collaboration et de valorisation pour la Guyane, ce qui n’a pas été perçu comme tel par le public présent, notamment le samedi. Dans l’assemblée, il a été reproché à la réserve d’avoir sorti du territoire, une plante endémique, ce qui va à l’encontre même du concept de réserve. Olivier Tostain, gérant de la réserve a justifié entre autre que le ficus portait le nom de Trésor pour la symbolique – un trésor biologique porteur du nom de la fondation qui a permis sa valorisation – et qui ne venait pas à proprement parler de la réserve, mais du Larivot, à Matoury. Ce qui n’a pas convaincu. C. Duplais, chercheur au laboratoire CEBA-CNRS – qui a présenté une communication sur le thème « La nature : potentiel d’innovation » – a mis un bémol au scepticisme par son intervention fort à propos. « Tout est question de fond et de forme, si le fond est bon on peut vous reprocher la forme ». Ledit ficus – dont le marché est important en Europe – a été en effet, produit à l’échelle industrielle puis commercialisé par la Hollande qui le présente avec une étiquette qui stipule tout de même son origine guyanaise. La réserve s’engage à utiliser les gains récoltés pour la protection de la biodiversité guyanaise.
G.C
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